Rêver à Québec :

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Rêver à Québec

Avant d'exercer les tâches d'explorateur, de navigateur, de géographe, de scientifique, de naturaliste, d'ethnologue, Champlain était d'abord un rêveur...

Dès 1617, Champlain voit grand pour la petite bourgade de Québec, composée alors d'une poignée d'individus. Il songeait, il rêvait au développement d'une ville d'importance majeure, de la taille des grandes villes européennes.

Cette ville serait Ludovica, en l'honneur du roi Louis XIII et serait bâtie dans ce qu'on appele aujourd'hui la basse-ville...


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Chanson à répondre : le blues de la couturière de brassières
01 mars 2006
Tout le monde connaît cet austère édifice de briques rouges, allongé sur le boulevard Charest, jusqu'au coin Dorchester. Avec sa tourelle caractéristique pourvu d'une horloge. Certains d'entre vous l'avez connu tout jeune sous le nom de la compagnie d'origine, Dominion Corset. Puis ce fut Daisy Fresh. Quelques jeunots doués y fréquentent maintenant l'école des arts visuels de l'Université Laval.



Un siècle durant, un interminable cortège matinal s'y engouffrait. Cette file indienne se composait de vierges de tous âges. Du moins c'est ce que la Compagnie souhaitait, jusqu'à la fin des années cinquante. De fait, elle exigeait de ses employées le serment de renoncer au mariage, sous peine d'être congédiées. Dans le contexte de l'époque, cela équivalait dans beaucoup de cas à porter la ceinture de chasteté. Une ceinture : étrange paradoxe pour une usine qui produisait quotidiennement des milliers de soutiens-gorge et autres sous-vêtements féminins.

Le principe était évident : une fille qui se marie finit par tomber enceinte. À partir de ce moment, elle devait quitter son emploi, suivant la loi de la Compagnie. Les congés de maternité n'étaient pas envisageables et les garderies presque inexistantes. En d'autres termes, si plusieurs femmes se mariaient avec le Christ en choisissant de devenir religieuse, d'autres épousaient la Compagnie. À Montréal, il y eut au temps de Maisonneuve la Compagnie de Jésus. À Québec, Georges-Élie Amyot fonda sa compagnie.

Tout cela pour insister sur un point particulier. Malgré le dur labeur, dans la chaleur inhumaine des jours d'été, le bruit débile des machines à coudre industrielles, les conditions de travail abrutissantes, ces belles dames trouvaient toujours le moyen de rire. J'en suis persuadé.

Oui, rire un bon coup, de temps à autre. Parce qu'il le fallait. J'ai un infini plaisir à imaginer ces femmes de toutes sortes, belles, jeunes, vieilles ou laides, obèses ou échalotes, s'éclater en se jouant des tours, en se moquant des contremaîtresses et laisser jaillir leur fou rire dans les toilettes ou les salles de pause. Voire même sur la chaîne de production, sous les rappels à l'ordre incessants des petites bosses.

C'est d'ailleurs ce que je reproche à beaucoup de nos historiens et dramaturges, anciens tant que modernes. Trop souvent, leurs récits accentuent le drame, les pleurs et la souffrance des acteurs de l'époque référencée. Ils ont oublié que nos ancêtres, nos grands-parents et nos parents savaient rire. Ils savaient rire, ils savaient chanter, ils savaient raconter. Aucun être humain ne peut survivre à la souffrance sans rire un peu. Sans se réserver certains divertissements en catimini, quitte à subir l'opprobre de « l'oppresseur ».

Avez-vous déjà écouté un vieux Vietnamien vous raconter ses trente ans de guerre? Moi, si. Et le bonhomme jaune souriait à pleines dents blanches, tout au long de son récit. J'ai observé aussi à la télé un vieil habitant de Kaboul relater comment les avions russes avaient détruit la maison où il élevait sa kyrielle de beaux enfants (en passant, je n'arrive pas à m'imaginer ces magnifiques garçons porter un jour la barbe noire, le turban et pas davantage ces jolies mômes cacher obligatoirement leur visage rieur d'un burqa). Or, cet Afghan riait à gorge déployée, tout en percevant l'écho des proches bombardiers américains. Cela se passait en 2001.

Aussi, je me permets d'affirmer ceci : nos ancêtres et nos grands-parents n'ont pas souffert autant. Enfin, certains d'entre eux, peut-être. Mais la plupart du temps, ils ne sortaient pas dans la rue en déchargeant une arme automatique comme le font depuis quelques années les habitants de Palestine qui ont tout perdu. Encore là, je sais que certains de nos ancêtres sont venus près de cette « solution », à cause du pain qui faisait défaut. Mais vous n'étiez pas né. Ce n'étaient pas les « années folles ». Comment qualifier ces années ?

N'empêche que ces filles couturières ont trimmé très dur, pour si peu. Elles ne s'empêchaient pourtant pas de rire, ouvertement ou en cachette. La compagnie leur a même interdit de chanter en travaillant. On a fini par couvrir leurs chants au moyen d'haut-parleurs diffusant des musiques de marches militaires, des concertos de piano rythmique ou du folklore instrumental: le principe consistant à éviter les paroles distrayantes dans la musique et maintenir la cadence de la chaîne de production à l'aide de tempos obsessionnels. L'efficacité exigeait de marier le pouls de l'ouvrière avec le roulement infernal des machines à coudre. C'est comme ça que ça marchait. Au pas, au pas.

Bien sûr, elles devaient pleurer de temps en temps. Le cafard, la tristesse, la morosité n'étant pas une invention récente.

Je reviendrai encore sur ces historiens et ces dramaturges qui ne se sont pas rappelé que nos ancêtres voulaient rire à tout prix. Je vous parlerai même de l'Ordre du Bon temps, d'un certain Samuel de Champlain.

En attendant, je termine la lecture d'une adorable petite étude sociologique intitulée : Les ouvrières de Dominion Corset à Québec, 1886-1988. Ne cherchez pas dans les nouveautés chez votre libraire, ce livre a paru en 1993. Et puis après? Si l'ouvrage est épuisé, ainsi que les retraitées de la Dominion, vous pourrez sans doute vous le procurer dans une bonne bibliothèque près de chez vous, comme je l'ai fait.

C'est tout de même un juste retour des choses que les Presses de l'Université Laval aient publié cette étude! Dans la factorie ré-usinée, façon design des années 2000, j'imagine les apprentis artistes sculpter leurs bronzes en chantant : I lost my baby, I lost my darling, I lost my friends.

Et les vieux murs hantés par la sueur et le labeur, de répondre, sur un air enjoué: I lost my mind.
Serge Alain @ 19:49   -- Lien permanent --
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Sous certains aspects, Québec est une ville-dortoir: il fait bon y rêver.

Par son altitude, Québec est une ville aérienne où planer est un plaisir évident.

Avec son look souvent romantique, Québec peut aussi faire perdre la tête... ou stimuler l'imaginaire.

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